Discrimination, études et handicap : lettre ouverte d’APF France handicap aux responsables politiques

12.04.2021

Suite à la décision du tribunal correctionnel de Paris du 8 avril 2021 qui relaxe la proviseure du Lycée Molière de Paris, nous adressons une lettre ouverte au Garde des Sceaux, au Ministre de l’Education nationale, à la Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées et à la Ministre déléguée, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances.

Nous sommes indignés de la décision du tribunal alors que nous avions démontré la volonté manifeste de cette responsable de lycée de refuser à une jeune étudiante en Khâgne , Amélie M., de poursuivre ses études dans cet établissement.
 
Les propos entendus lors de l’audience le 5 mars derniers sont consternants : 
  • Une présidente de tribunal qui s’interroge sur le bien-fondé de la procédure engagée par Amélie M.
  • La mise en avant du fait que sans projet d’accueil individualisé (PAI), il n’était pas possible de déplacer une salle de cours et que cela « allait à l’encontre de l’intérêt général de l’ensemble des élèves » !
  • Entendre aussi que le Lycée Molière – comme de nombreux lycées en Ile-de-France – n’étant pas accessible, le mieux pour l’intérêt d’Amélie M., est d’aller dans l’un de ces lycées mieux adaptés à son handicap. « On leur paie même des taxis pour y aller » affirme la proviseure à la barre du tribunal, au mépris du souhait de l’élève de rester dans ce lycée qui propose un enseignement qu’elle a choisi et dont certaines spécialités ne sont pas dispensées dans un autre établissement.
  • Enfin, l’un des arguments avancés par le tribunal est qu’Amélie M. a bien pu continuer à être accueilli dans l’établissement… en oubliant de prendre en considération que cela a été possible suite à une grève des autres lycéens de l’école, à la pression médiatique et au soutien public de la Ministre de l’Education nationale de l’époque.
Le jour du rendu de cette décision, le 8 avril, le gouvernement lançait la consultation citoyenne sur les discriminations suite à un engagement pris par le président de la République auprès des Français. Les premières lignes présentant cette consultation résument tout à fait ce qu’Amélie M., sa famille et nous-mêmes avons ressenti : « Les discriminations assignent, blessent. Elles sont une atteinte insupportable à la dignité humaine et elles peuvent avoir des conséquences dramatiques dans la vie des personnes qui les subissent. (…) Cette consultation a vocation à apporter des réponses efficaces aux injustices individuelles qui minent notre cohésion sociale. »
 
En 2021, des personnes en situation de handicap doivent encore se battre auprès de la justice pour faire reconnaître des actes de discrimination. Rappelons que, selon le rapport annuel 2020 du Défenseur des droits, le handicap reste le premier motif de discrimination, avec 21,2 % des saisines.
 
Au moment où le Président de la République s’engage dans la lutte contre les discriminations avec le lancement d’une plateforme anti-discriminations et d’une consultation citoyenne sur ce sujet, nous alertons la représentation nationale de cette décision injuste.
 
Nous demandons donc aux Ministres concernés de prendre publiquement position sur cette situation inacceptable et qui n’est malheureusement pas isolée : régulièrement des élèves et des étudiants ne peuvent poursuivre leur parcours scolaire ou universitaire en raison de locaux inaccessibles, et souvent – comme c’est le cas ici – du fait du refus des responsables d’établissement de procéder à des "aménagements raisonnables".
 
Nous demandons également au Garde des Sceaux que le parquet interjette appel. Ce procès s’étant tenu dans le cadre d’une citation directe, ni Amélie M., ni nous-mêmes constitués en partie civile, ne pouvons réaliser cet appel.
 
Les discriminations à l’égard des personnes en situation de handicap doivent être enfin entendues, reconnues et leurs auteurs condamnés. 
 
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